Derniers avis sur les films

  • Au début. Notre siècle / un film de Artavazd Pelechian |

    Au début. Notre siècle / un film de Artavazd Pelechian Pelechian, Artavazd. Monteur

    La part maudite d'Icare 5/5 La conquête spatiale, c'est une aventure de l'esprit affranchi de la matière, l'une des rares épopées des temps modernes. C'est une histoire du 20ème ... Voir plus La conquête spatiale, c'est une aventure de l'esprit affranchi de la matière, l'une des rares épopées des temps modernes. C'est une histoire du 20ème siècle qui a ses archives parce que le siècle de l'aérospatiale aura été aussi celui du cinéma. Peut-être cette histoire empesée de propagande est-elle exemplaire du siècle passé en ce qu'il continue d'exercer son influence sur notre actualité. UNE ÉPOPÉE EN MIETTES Notre histoire. L'histoire du progrès dont on a compris qu'il n'allait pas sans contradiction ni fracas. Le progrès au nom du meilleur qui engage aussi celui du pire. Le progrès est autant celui de l'intensité de ses accidents. Notre siècle d'Artavazd Pelechian est l'élégie d'une épopée en miettes. Et si son auteur est un enfant du siècle, c'est qu'il est fils de plusieurs de ses désastres, génocide arménien et glaciation stalinienne de la Révolution russe, Seconde Guerre mondiale, Hiroshima et Auschwitz, effondrement de l'URSS et séisme de décembre 1988 qui a dévasté l'Arménie. Notre siècle serait peu ou prou au cinéma ce que représente pour la philosophie l'allégorie de l'Ange de l'Histoire de Walter Benjamin, écrite peu de temps avant son suicide en 1940. La tempête qui, du paradis, souffle dans les ailes de l'Ange sans qu'il puisse s'arrêter, regardant en arrière s'accumuler les ruines à ses pieds, c'est le progrès. Hannah Arendt qui a aidé à sauver le dernier texte de son ami Walter Benjamin se souvient de lui quand elle écrit que le progrès et la catastrophe sont les deux faces d'une même médaille. Artavazd Pelechian s'inscrit ainsi dans cette histoire en étant au début des années 80 le contemporain de Paul Virilio, penseur de l'accident intégral. Le progrès est alors celui de la révélation exaspérée de l'essentialité de l'accident, qui n'est plus ni relatif ni contingent. Inventer le train c'est inventer le déraillement du train ; inventer l'avion c'est inventer le crash d'avion ; inventer le Titanic c'est inventer son naufrage. Le progrès est aussi celui de notre obsolescence programmée, Artavazd Pelechian contemporain de Günther Anders également. CENTRIFUGEUSE, COMIQUE ET COSMIQUE Artavazd Pelechian est un réalisateur âgé aujourd'hui de 85 ans, un cinéaste rare, l'un des plus grands. Un pan de son travail s'inscrit dans la pratique du remploi, Au début (1967), une moitié de Nous (1969), Notre siècle (1982), La Nature (2022). Les films qui relèvent de cette veine esthétique sont des montages d'images existantes. L'archive y est ressaisie comme l'arche sauvant les preuves visuelles de la catastrophe en cours. La Guerre froide a été l'embrasement d'un affrontement mimétique entre USA et URSS. Les deux géants qui s'enlisent en rivalisant comme dans une fameuse peinture de Goya, Duel au gourdin, se sont accordés sur un même principe : que la dépense soit somptuaire. L'engloutissement des moyens gigantesques pousse l'art de la destruction à des sommets comiques et cosmiques. Notre siècle perce ainsi la croûte de la propagande pour voir depuis l'outre-espace une idéologie partagée à l'identique, un même productivisme effréné, devenu insoutenable pour la planète. Le compte à rebours est un truc qui vient du cinéma (Fritz Lang l'a inventé pour La Femme sur la lune en 1929). Avec le montage d'archives qui repose sur le principe du contrepoint ou de la distance, le compte a rebours fonctionne sur le mode de la spirale. Il répète ad nauseam un temps qui tourne sur lui-même comme la centrifugeuse déformant les visages des astronautes et cosmonautes avant qu'elle ne les assomme. Ce qui revient est une même catastrophe à l'origine des images, avec son âge enfantin et burlesque (c'est le premier Vidéo Gag !) et son âge atomique (l'invention de la télé est contemporaine de celle de la bombe). POTLATCH ET PAROXYSME Icare est un vieux fantasme qui a pour foyer le soleil, qui nous attire parce que nous en venons. L'humanité est une espèce paroxystique, qui palpite du souvenir d'immémoriales éruptions solaires. Nous qui nous croyons civilisés sommes insuffisamment barbares en ne reconnaissant pas que nos exploits tiennent en vérité du potlatch. Et nos engins qui décollent en faisant trembler la terre sont des pyramides de tôles froissées, ruines monumentales et tombeaux de nos aspirations au sommet. Notre siècle est le plus grand film paroxystique de l'histoire du cinéma parce qu'il est une fusée dont la pointe aiguë (oxús) perce la partie refoulée du progrès, avec toutes les richesses gaspillées, les dépenses inconsidérées, toutes les vies détruites – la part maudite d'Icare. Le progrès n'est pas une épopée univoque, c'est une blague féroce, une farce massive, totale tragédie. Le 20ème siècle, celui de la projection cinématographique et des grands projets totalitaires, aura vu coïncider la perspective avec la balistique. Le progrès nous désarme, il nous démunit quand, avec son optique, nous apparaissons pareils à des projectiles, munitions et missiles, têtes d'obus et balles humaines. Voir moins Saad Chakali - Le 08 avril 2023 à 15:44
  • J'ai perdu mon corps / Jérémy Clapin, réal. |

    J'ai perdu mon corps / Jérémy Clapin, réal. Clapin, Jérémy. Monteur. Scénariste

    A quoi se raccrocher quand on a (presque) tout perdu ? 4/5 Un film, deux voyages : On suit celui d'une main, au sein littéral, perdue au milieu de la ville. Elle cherche quelque chose, peut-être con corps ? O... Voir plus Un film, deux voyages : On suit celui d'une main, au sein littéral, perdue au milieu de la ville. Elle cherche quelque chose, peut-être con corps ? Ou peut-être son rôle, à savoir réconforter, accompagner, composer de la musique, toucher les matières, le sable, l'eau... Elle est la symbole de notre accès au monde et à l'autre. Mais séparée de son hôte, qui voudra bien d'elle ? En parallèle, nous suivons Naoufel, un jeune adulte livreur de pizza, qui tombe amoureux d'une voix à l'interphone... Parce que la vie ne lui a pas fait de cadeaux, et parce que son quotidien est morose, il faut qu'il la retrouve, il faut qu'il sache quel visage se cache derrière, parce qu'il est amoureux, et c'est tout ce qui compte. D'une sensibilité folle. Un très beau film d'animation. Voir moins Mélanie - Le 29 mars 2023 à 11:15
  • Saint-Cyr / Patricia Mazuy, réal. |

    Saint-Cyr / Patricia Mazuy, réal. Mazuy, Patricia. Monteur. Scénariste

    La liberté, au galop 4/5 Deuxième long-métrage de Patricia Mazy, "Saint Cyr" est l'adaptation d'un roman de Yves Dangerfield intitulé "La Maison d'Esther". Il s'agit de racont... Voir plus Deuxième long-métrage de Patricia Mazy, "Saint Cyr" est l'adaptation d'un roman de Yves Dangerfield intitulé "La Maison d'Esther". Il s'agit de raconter la création d'une école fondée sous le règne de Louis XIV par l'une de ses courtisanes, Mme de Maintenon, qui a recueilli des filles désargentées de la France entière afin de leur fournir une bonne éducation nécessaire à un beau mariage. L'ambition de Mme de Maintenon jouée par Isabelle Huppert est une manière indirecte d'appuyer la politique du roi en obligeant les jeunes filles à apprendre une langue commune, le français officiel, en délaissant forcément leur patois. C'est d'ailleurs l'une des singularités du film de Patricia Mazuy que de donner à entendre autant de langues régionales, rares dans le cinéma français. Deux élèves sortent alors du lot, Anne et Lucie, unies par leur langue commune leur permettant de s'apprivoiser mutuellement. L'éducation des femmes se réduit à peu de choses, élevage des enfants et tâches domestiques. Mme de Maintenon souhaite offrir à ces jeunes filles la possibilité d'acquérir les savoirs et disciplines leur permettant d'avoir une meilleure connaissance du monde qui les entoure. Devenues des femme accomplies, elles pourront faire alors un beau mariage. Mais quand la Cour pointe le bout de son nez, Mme de Maintenon se rend compte qu'elle fait fausse route et décide alors de resserrer le boulon de l'éducation des filles. Avec cette reconstitution historique d'une époque souvent représentée au cinéma mais jamais sous cet angle, Patricia Mazuy propose une réflexion sur une utopie féminine qui, sous la double férule de la religion et de l'État, se transforme peu à peu en institution sectaire, voire totalitaire. Mme de Maintenon est une femme pieuse qui, par peur de l'enfer et sous la pression du jansénisme, va en effet réintroduire brutalement la religion dans une école qui dans un premier temps ne devait surtout pas ressembler à un couvent. Si les filles sont soumises au commandement de la directrice de l'institution, une seule arrive à remettre en cause cet enseignement et Patricia Mazuy lui réserve le plus beau plan, le dernier de son film. Récemment délivrée du carcan social de l'école de Mme de Maintenon dont l'utopie vient de s'effondrer, Anne se voit contrainte de dompter cette chose nouvelle qu'est sa liberté. Comme le cheval qu'elle monte, Anne doit apprivoiser son désir de vivre libre. Elle tourne alors en rond avant de trouver la direction à prendre qui sera celle de son émancipation. S'émanciper se conçoit dès lors toujours comme se libérer de ses émancipateurs. Voir moins Alexia Roux - Le 30 décembre 2022 à 09:41
  • Le Cauchemar de Dracula = Dracula / Terence Fisher, réal. |

    Le Cauchemar de Dracula = Dracula / Terence Fisher, réal. Fisher, Terence. Monteur

    Les Saigneurs ne sortent que la nuit 4/5 "Le Cauchemar de Dracula" est une révolution dans le genre vampirique. Non seulement le film marque la première interprétation de Christopher Lee dans... Voir plus "Le Cauchemar de Dracula" est une révolution dans le genre vampirique. Non seulement le film marque la première interprétation de Christopher Lee dans le rôle titre mais il offre aux spectateurs une gamme chromatique très développée dans les tons rougeoyants (la première séquence commence avec une giclée de sang sur le tombeau du vampire : le ton du film est donné). Terence Fisher, par le biais de la Hammer, réinterprète complètement le roman de Bram Stocker (Jonathan, disciple de Van Helsing se donne pour mission d'éliminer Dracula dès le début et se fait tuer) en gardant a minima la structure générale. Le duo Christopher Lee / Peter Cushing (Dracula / Van Helsing) est réuni pour la seconde fois et fonctionne à merveille dans l'éternelle lutte du Bien contre le Mal. Dracula devient un être plus terre à terre (plus réaliste ?), fini les transformations en chauve-souris ou en loup ou les déplacements légers et aériens. Il ne parle pas beaucoup, apparaît finalement peu à l'écran mais garde un pouvoir hypnotique terrifiant sur ses victimes. Christopher Lee transmet à son personnage tout son charisme et lui donne une grandeur qui va longtemps lui coller à la peau. Voir moins Alexia R. - Le 13 août 2022 à 11:22
  • Millenium - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes = The Girl With The Dragon Tattoo / David Fincher, réal. |

    Millenium - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes = The Girl With The Dragon Tattoo / David Fincher, réal. Fincher, David. Monteur

    A Girl With A Dragon Tattoo 5/5 Seconde adaptation de la saga littéraire policière de Stig Larsson, "Millenium - Les Hommes qui n'aimaient pas les Femmes" est un chef-d’œuvre de Davi... Voir plus Seconde adaptation de la saga littéraire policière de Stig Larsson, "Millenium - Les Hommes qui n'aimaient pas les Femmes" est un chef-d’œuvre de David Fincher. Un journaliste, embourbé dans une mauvaise passe, est chargé d'enquêter sur la disparition de la nièce d'un grand industriel suédois. Les qualités du film sont nombreuses : les acteurs et actrices (mention particulière pour Daniel Craig, loin de son rôle phare de James Bond, et Rooney Mara), une ambiance hivernale et très oppressante, des histoires familiales glaciales et sombres, ... Mais l'élément le plus important du film reste la musique. C'est la deuxième fois que David Fincher embauche le duo Trent Reznor / Atticus Ross qui a composé pas moins de 3 heures de musiques (bien plus que la durée du film) pour plonger le spectateur dans un état presque hypnotique. Voir moins Sidney - Le 13 août 2022 à 09:41