Des BD et des bêtes
Dans l’histoire de la littérature, les animaux ont souvent été personnifiés afin d'évoquer l'homme sous toutes ses coutures. Les auteurs de bandes dessinées ne sont pas en reste ! Celles-ci regorgent de personnages mi-humains mi-animaux (Les enfants loups, Jim Hawkins, Le Château des animaux…), qui évoluent dans des univers parfois réalistes, parfois merveilleux.
Grâce à ces personnages, on lit et on vit plus fort : si on aime on est passionné, si on se venge on est déterminé, si on se bat on est acharné…
Et nous, médiathécaires, n’avons qu’une hâte : vous faire partager nos lectures, vous faire découvrir ces histoires qui nous émeuvent et nous font voyager !
Lors de cet atelier, vous découvrirez des BD et mangas mettant en scène ces créatures anthropomorphes et pourrez tester vos connaissances avec un quiz.
Enfin, après les coups de cœur, les coups de crayon. Mettez-vous dans la peau d’un illustrateur et amusez-vous à créer vos propres personnages.
A tous les passionnés de BD (et les autres), rendez-vous le samedi 13 Mai à 16h à la médiathèque Édouard Glissant.
A partir de 12 ans.
Mélanie et Aurélie - 02/05/2023
Rencontre avec Corinne Morel Darleux
La Sauvagière, publié en août 2022 chez Dalva, est le premier roman adulte de Corinne Morel Darleux.
La couverture du livre nous a tout de suite séduits et l'atmosphère poétique nous a conquis. Au cœur de la nature, thématique de notre second semestre culturel, un vrai moment de pause à partager dans ce monde agité.
Samedi 15 avril à 16h à la médiathèque Édouard Glissant
Un auteur, une rencontre
Autrice de Dans les bois, nos racines
Dans ces dix-sept textes proches de la nouvelle, Jennifer Lesieur nous fait part de sa propre expérience de la forêt et rencontre également des musiciens, des historiens... pour qui la forêt est source de bien-être. Être en adéquation avec la nature environnante, c'est là qu'est notre refuge, alors, promenons-nous dans les bois !
Samedi 1er avril 2023 à 16h
à la médiathèque Édouard Glissant
Printemps des poètes
La poésie à la frontière
Saad Chakali - 14/03/2023
Un poème pour la médiathèque
Mon petit paradis, c'est un lieu à côté de chez moi
Festival Hors Limites
Samedi 25 mars à 16h : Wilfried N'Sondé, auteur de Héliosphéra, fille des abysses
Wilfried N'Sondé nous rend visite pour présenter son nouveau roman Heliosphera, fille des abysses : d'amour et de plancton, publié en octobre 2022 chez Actes Sud dans la collection "Mondes sauvages".
A écouter : l'entretien pour Cfm Radio
Samedi 1er avril à 16h : Jennifer Lesieur, autrice de Dans les bois, nos racines
"Depuis la nuit des temps, la forêt nous a nourris et protégés. En retour, nous avons exploité ses moindres ressources, jusqu'à l'épuiser. Aujourd'hui, dans un quotidien souvent anxiogène, nous ressentons plus que jamais le besoin de retrouver le lien qui nous unit à cet espace, pour nous ressourcer."
Dans ces dix-sept textes proches de la nouvelle, Jennifer Lesieur nous fait part de sa propre expérience de la forêt et rencontre également des musiciens, des historiens... pour qui la forêt est source de bien-être. Être en adéquation avec la nature environnante, c'est là qu'est notre refuge, alors, promenons-nous dans les bois !
Samedi 15 avril à 16h : Corinne Morel Darleux, autrice de La Sauvagière
La Sauvagière, publié en août 2022 chez Dalva, est le premier roman adulte de Corinne Morel Darleux.

Dans ce récit onirique troublant, la narratrice est recueillie, après un terrible accident de moto, par deux femmes étranges habitant une maison forestière. Peu à peu la nature s’insinue dans leur quotidien. Cette mystérieuse quiétude apaisera-telle notre héroïne ?
La couverture du livre nous a tout de suite séduits et l'atmosphère poétique nous a conquis. Au cœur de la nature, thématique de notre second semestre culturel, un vrai moment de pause à partager dans ce monde agité.
Russell Banks, de beaux lendemains
Né dans un milieu ouvrier, devenu l’un des plus grands auteurs américains contemporains, traduit dans vingt langues, Russell Banks n’a jamais cédé aux clameurs de la renommée. Les héros et héroïnes de ses romans et nouvelles sont les laborieux, les gueules cassées, les abimés. Dès son premier roman, Family Life paru en 1975, ces personnages peuplent les pages avec leurs drames et tragédies et leurs rêves brisés en même temps que l’est le rêve américain. Les livres de Russel Banks se caractérisent souvent par l’empathie apparente de l’auteur et par le regard critique qu'il pose sur la société américaine.
De beaux lendemains (1993) a été adapté au cinéma par le réalisateur canadien Atom Egoyan. A la suite d’un accident de bus scolaire qui a provoqué la mort de plusieurs enfants, quatre membres de la communauté révèlent la personnalité secrète des habitants, leurs douleurs, leurs frustrations, et le visage singulier d'une Amérique profonde.
Affliction (1999), adapté au cinéma par Paul Schrader, est le récit de l'effondrement d'un homme ordinaire, pris au piège d'une vie ratée depuis l'enfance, confisquée par la tyrannie paternelle.
Ecrivain engagé, Russell Banks avait pris position contre l’intervention américaine en Irak et le Patriot Act, n’hésitait pas à s’opposer publiquement à la politique de son gouvernement. Il était membre du Parlement international des écrivains et avait fondé l'organisation Cities of Refuge North America, un réseau de lieux d'asile pour écrivains exilés ou menacés.
Son dernier roman paru récemment en France, Oh, Canada, est un récit crépusculaire. Celui d’un homme en phase terminale, documentariste réfugié au Canada parce qu’il avait refusé de faire la guerre du Vietnam et qui se confie avant de mourir. Ce roman sur les formes mouvantes de la mémoire pose la question de ce qui subsiste – de soi, des autres – lorsqu’on a passé sa vie à se dérober. De Russell Banks, décédé le 7 janvier dernier, il nous restera son oeuvre généreuse.
Françoise Oliva - 11/10/2022
Festival de la Bande Dessinée d'Angoulême - 50e édition
Comme tous les ans, le Festival d'Angoulême met à l'honneur BD, Comics et Mangas, sur tout un week end consacré au 9ème art. Le festival a fêté cette année son 50ème anniversaire.
L'histoire drôle et tragique d'un jeune garçon dont la scolarité s'est déroulée à l'école francaise et à l'école syrienne. Avec autant de cynisme que d'amour, l'auteur peint sa propre fresque familiale. Entre un père se rapprochant peu à peu des traditions musulmanes et une mère soucieuse d'une éducation "à la française", Riad Sattouf a finalement souffert de racisme dans les deux pays.
L'Arabe du Futur, c'est un p'tit gars blond perdu entre deux cultures, mais aussi perdu dans les méandres de l'adolescence. Petit personnage frêle et naïf, Riad Sattouf nous fait autant rire que pleurer.
A l'honneur également cette année : L'oeuvre de Hajime Isayama, l'Attaque des Titans.
Une série trop méconnue du grand public, qui offre pourtant une réflexion sérieuse sur l'immigration, l'acceptation de l'autre et les clivages interculturels.
Oui, l'Attaque des Titans, c'est l'histoire d'un village littéralement cloisonné et coupé du reste du monde, envahi par des géants qui mangent les hommes.
Mais en creusant un peu, ces géants sont peut-être aussi l'allégorie de l'Autre, l'Etranger, lui même en souffrance et lui même malmené.
L'Attaque des Titans parle aussi d'amitiés, confrontées à des clivages politiques qui dépassent les individus.
Une belle oeuvre, pensée, et réussie.
Angoulême, c'est l'occasion de récompenser l'Idée, l'Audace, l'Originalité.
Retrouvez ici les oeuvres sélectionnées et mises à l'honneur pour cette 50ème édition !
Mélanie Lesourd - 7/02/2023
Liberté : une ode à l'amour et à la résistance
Liberté, j'écris ton nom, Fernand Léger, 1952
Quand Paul Éluard débute l’écrit de ce poème en 1941, il pense à la femme qu’il aime. C’est à elle, Nusch, que le poème, dont le titre initial était Une seule pensée, était dédié. C’est son nom qui devait terminer le poème.
Liberté : un poème d’amour et de résistance
Mais nous sommes en pleine occupation allemande. « Je me suis vite aperçu, confit-il, que le seul mot que j’avais en tête était le mot Liberté. Ainsi, la femme que j’aimais incarnait un désir plus grand qu’elle. Je la confondais avec mon aspiration la plus sublime, et ce mot Liberté n’était lui-même dans tout mon poème que pour éterniser une très simple volonté, très quotidienne, très appliquée, celle de se libérer de l’Occupant. »
Des avions bombardent le poème
La force du poème, Paul Éluard l’a rendue possible en le faisant passer d’un sentiment intime à une valeur commune. L’amour a fait place à son désir de liberté et de libération posant ainsi une égalité entre l’amour et la liberté.
Des mots d’amour devenus ode à la résistance.
LIRE LE POÈME
Lire, écouter, voir Paul Éluard :
Françoise Oliva - 23/11/2022
Commémoration du 11 Novembre
Redécouvrez l'histoire en BD
A l'occasion de la célébration de l'armistice signé le 11 Novembre 1918, nous vous proposons une sélection d'ouvrages revenant sur l'histoire de la Grande Guerre.
Le neuvième art, genre littéraire qui englobe autant d’œuvres de fiction que documentaires, regorge de ressources sur ce sujet.
Jacques Tardi raconte par exemple les destins individuels des poilus, leur quotidien, leurs galères, leurs souffrances, dans son dyptique intitulé Putain de Guerre. C'est d'ailleurs une thématique phare de l'ensemble de son œuvre. Il dira à ce sujet "Ce qui m’intéresse avec celle qu’on surnomme la Grande Guerre, c’est qu’elle permet de comprendre le monde dans lequel nous vivons. On va retrouver le traité de Verdun qui va servir à Hitler, la séparation des territoires… Mais au-delà, ce qui m’intéresse surtout, ce sont les soldats, ces pauvres gars qui ne demandaient rien mais qui ont été envoyés au casse-pipe [...]".
Genre également propre à la satyre, c'est parfois avec humour que certains scénaristes abordent la 1ere Guerre Mondiale. A ce sujet, lisez sans hésitation Le petit théâtre des opérations signé Julien Hervieux et Monsieur le Chien. Les auteurs y expliquent que "Si les deux Guerres mondiales furent un énorme gâchis en vies humaines, elles furent aussi le théâtre d'actes de bravoure individuels et collectifs et d'anecdotes aussi drôles qu'improbables".
L'ensemble de notre sélection agrémentée de livres et films documentaires accessibles aussi pour les jeunes lecteurs, sera disponible tout au long du mois de Novembre à l'entrée de la médiathèque.
Bonne lecture !
Mélanie Lesourd - 10/11/2022
Annie Ernaux, l'écriture de soi au couteau
Écrire je pour dire on
Annie Ernaux, sa vie est singulière et quelconque, dédiée à écrire l'exemplarité d'un trajet. Née en 1940 de parents ouvriers qui ont tenté du côté d'Yvetot l'aventure de l'épicerie-café, Annie Ernaux expérimente l'éloignement social avéré par l'apprentissage puis l'enseignement des lettres qui auront été ses humanités, devenant professeure certifiée, agrégée de lettres modernes et enfin écrivaine, autrice d'une vingtaine d'ouvrages depuis Les Armoires vides en 1974. Une œuvre auréolée du prix Nobel de littérature.
Dans les récits d'Annie Ernaux, dépouillés des velléités romanesques à partir de son quatrième livre, La Place (1983), l'écriture vise une manière de factualité que d'aucuns ont qualifié de neutre ou blanche, voire clinique. Loin du narcissisme des petites différences cultivées par les praticiens de l'autofiction comme Christine Angot, Annie Ernaux travaille à l'épuration de son je parce qu'elle sait, comme Virginia Woolf le lui aura probablement enseigné, que dire moi est le meilleur moyen de ne pas parler de soi. Soi, autrement dit ce qu'il y a entre toi et moi, qui est un monde, un peuple, qui peut être un abîme aussi. Soi qui est le nous de la mémoire collective, qui est encore un on impersonnel. Une quatrième personne du singulier pour citer le poète beat Lawrence Felinghetti.
Un maître, la honte
Annie Ernaux voit ainsi dans les plis intimes de sa vie une histoire, plus d'une histoire, la sienne et celle des autres. L'histoire de France comme la raconte l'opus magnum, Les Années (2008), à l'aide de photographies égrenant six décennies, entre 1941 et 2006, d'une vie couturée de tout ce qui ne lui appartient pas, toutes les impropriétés qui se seront imposées en se faisant l'héritage, douloureux et contradictoire, de qui n'a jamais hérité. On pense à Nathalie Sarraute, on songe à Marguerite Duras dans sa mate description de la « vie matérielle » (Journal du dehors, 1993 ; La Vie extérieure, 2000). On pense encore à l'apport critique de la sociologie exemplifiée par le travail de Pierre Bourdieu à qui elle a rendu un hommage fort au moment de sa mort en 2002.
De quoi est fait un soi qui excède tout moi ? De quoi est matelassée la vie commune dans laquelle les vies individuelles font leur lit ?
Chez Annie Ernaux, un affect est souverain, la honte. La honte règne en maître, partout, tyrannique. La honte est le prix parfois chèrement payé des socialisations qui vous retournent à distance la peau en vous retournant contre vous-même. La honte des parents dont les sacrifices sont des mutilations (La Place, La Honte). La honte des rapports de sexe traduisant tantôt des déceptions (le mariage avec La Femme gelée), tantôt des soulèvements passagers (Passion simple, 1992 ; Se perdre, 2001), tantôt des rapports de force qui s'apparentent à des forçages, à des percées aussi (l'avortement avec L'Événement, 2000). Et, centre obscur dont le rayonnement fossile s'exerce partout, la mère, dont la dureté remémorée (Une femme, 1987) se dissipe dans la folie qui est lucidité, avant de franchir la limite après laquelle plus aucun retour n'est possible («Je ne suis pas sortie de ma nuit», 1997).
Une consolation ?
On comprend l'admiration que provoque l'œuvre d'Annie Ernaux, particulièrement dans les lectorats féminin et féministe. Et les sociologues qui lui rendent tout ce qu'elle a pris et appris de la sociologie. On s'explique aisément aussi pourquoi elle suscite des vocations chez les plus jeunes écrivains (comme Édouard Louis dont elle est aux côtés de Didier Eribon l'héroïne). Et pourquoi ses critiques parmi les plus véhéments regrettent la consécration consolatoire d'une gauche culturelle dont l'époque serait passée.
La consolation n'épuise cependant pas la honte. La honte du social dont la reproduction voue les transfuges de classes à l'occupation des mauvaises places, même quand elles sont celles de la reconnaissance. La honte qu'il faut épuiser par la description, avec l'écriture au couteau, écriture neutre et factuelle, écriture clinique, cette arme blanche. La honte qui manque encore chez Annie Ernaux d'être ressaisie comme Franz Kafka l'aura comprise. La honte dont on ne peut seulement se consoler en comprenant sa radicalité, qui consiste non pas à s'en libérer mais à la libérer. Parce que la honte est un nom pour la vergogne, pudeur ou retenue qui est le complément indispensable à la justice, qui est puissance de faire (le bien) en ne faisant pas (le mal).
Saad Chakali et Françoise Oliva - 12/10/2022
Michel Pinçon (1942-2022)
La sociologie française a perdu l’un de ses plus meilleurs ouvriers. Michel Pinçon est mort lundi 26 septembre, à l’âge de 80 ans.
Ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Michel Pinçon avait commencé comme sociologue du monde ouvrier, avant de se tourner vers la transmission de la richesse dans la noblesse et la haute bourgeoisie. Ce sont ces travaux sur les plus riches, menés en tandem avec son épouse, Monique Pinçon-Charlot, qui avaient rendu célèbre le duo en gagnant une audience élargie dépassant le seul registre de la recherche scientifique.
« Je dis toujours que nous avons écrit vingt-sept livres à quatre mains », a ainsi déclaré celle-ci à l’Agence France-Presse (AFP).
La Médiathèque vous propose une sélection des ouvrages écrits par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.
Alexia Roux et Saad Chakali - 30/09/2022
Mangas et bd d'aventure
Welcome aboard !
Pour cette saison culturelle, (re)découvrez les plus belles oeuvres de BD et mangas d’aventure.
Laissez-vous emporter par les contemplations de Jiro Taniguchi : marchez avec ses personnages au fil des pages, en montagne ou en ville…
Laissez-vous bercer par le regard de Catherine Meurisse, peintre et scénariste au talent monstre, dont les BD sont comme des herbiers magnifiés.
Vous êtes plus friands de frissons ? Mettez vos bottes, votre ceinturon et, couteau en poche, partez en forêt défier les dangers avec Loisel ou Ayroles.
L’aventure pure et dure ne vous suffit pas, vous avez besoin d’une touche fantastique… ?
Entrez dans les planches de Lastman (Bastien Vives) pour parcourir la Vallée des Rois, ou dans les pages de Solo Leveling (Chujong) pour entrer dans un portail magique et archaïque, caché au coeur de la ville moderne…
La lecture en médiathèque est l’un des rares moyens de transport gratuit,
profitez du voyage ;)
Les rendez-vous BD :
Samedi 21 mai 2022 : Initiation à la bandes dessinée avec Boutanox (Adultes et ados à partir de 14 ans)
Samedi 11 juin 2022 : La BD Road Movie (Ados et adultes)
Festival Hors limites

Reprendre racine
Rencontre avec Fabien Truong
Son livre, La Taille des arbres, raconte une multiplicité d’histoires et de trajectoires qui se croisent : d’abord celle d’une rencontre avec les habitants mais aussi celle du groupe d’élèves et des accompagnants, finissant par former une seule et même entité, Pauléluard ; celle d’expériences personnelles et identitaires, ce que veut dire « être français » quand on ne se sent pas vraiment « français-français » dans le regard des autres ; mais aussi celle d’une découverte sensorielle et physique avec la jungle, la nourriture, la nature, l’océan… loin du bitume. Une façon inoubliable pour ces jeunes de reprendre racine.
Fabien Truong est sociologue (Cresppa-CSU), professeur agrégé HDR à l’Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis, et ancien membre de l’Institute For Advanced Study à Princeton (2020/21).
Il est l’auteur de plusieurs études sur les quartiers populaires : Loyautés radicales, l’islam et les “mauvais garçons” de la nation (La Découverte, 2017), Jeunesses françaises, bac+5 made in banlieue (La Découverte, 2015 / Poche, 2022), Des capuches et des hommes, trajectoires de “jeunes de banlieue” (Buchet-Chastel, 2013). La Taille des arbres est son premier roman. Photo : © Patrice Normand - Leextra - Editions Rivages.
SAMEDI 16 AVRIL 2022 - 16H
À la médiathèque Édouard Glissant
la nuit de la lecture
Aimons toujours ! Aimons encore !
Quand l'amour s'en va, l'espoir fuit.
L'amour, c'est le cri de l'aurore,
L'amour, c'est l'hymne de la nuit.
Ce sont ces vers de Victor Hugo qui ont inspiré le thème des Nuits de la lecture qui se déroulent partout en France. Notre nuit à nous sera faite de lectures autour de correspondances amoureuses mais également de contes, de musique, de cinéma, d'ateliers de création, de jeux. Samedi 22 janvier, la médiathèque Edouard Glissant vous ouvre ses portes jusqu'à 22h pour une programme amoureux à partir de 10 ans :
- 18h30 à 19h30 Ateliers (2 sessions pour chaque atelier de 30 minutes) :
Visites de nos réserves avec lampes frontales
Réalisation de Marque-pages (espace jeunesse)
Jeux de mots avec lots à la clé (espace littérature adultes)
- 19h30 à 20h15 Cinéma et lecture
Court métrage (espace vidéo) : rencontres amoureuses dans un parc d'Alger
Lecture de « Lettres d’amour » (espace animation, voir ci-contre)
- 20h15 à 21h15 Spectacle de conte
- 21h15 à 22h Concert acoustique de Mélanie et son groupe (espace animation)
Collation et boissons chaudes et froides.
Samedi 22 janvier 2022 de 18h à 22h
A la médiathèque Edouard Glissant
Etel Adnan, un nomadisme solaire
Née à Beyrouth d'une mère grecque chrétienne et d'un père syrien musulman, Etel Adnan étudie à la Sorbonne puis s'envole pour les États-Unis où elle enseigne la philosophie de l'art. Elle y découvre la peinture qu'elle commence à pratiquer durant les années 60 en mêlant à ses paysages colorés des formes d'écriture enfantines. Le désert californien inspire ses tableaux brossés aux confins du naïf, du figuratif et de l'abstraction, tous hantés par un soleil dont elle disait qu'il était commun à Zoroastre et aux amérindiens.
L'œuvre d'Etel Adnan, poèmes et tableaux, essais, romans et articles de journaux, est une poétique bigarrée du cosmopolite, un tissage éclatant d'errances et de dérives. Tout un nomadisme solaire s'expérimente chez elle à la frontière des arts, des genres et des langues, comme l'abri mobile de l'exilée qui aura été témoin de la guerre civile embrasant son pays natal à partir des années 70.
Si la reconnaissance de la peintre est tardive, marquée au début des années 2010 par l'exposition à la Documenta de Cassel, celle de la poétesse est venue plus tôt, par exemple dans la célébration de l'un de ses chefs-d'œuvre, L'Apocalypse arabe (1980). Le recueil de poèmes est un cantique de résistance offert aux déchirements universels de la nation arabe. Mao y côtoie Rimbaud tandis que les "futurs astronautes (...) partis pour des funérailles lunaires" y croisent "Indiens et Arabes [qui] livrent bataille à reculons à reculons".
Etel Adnan meurt presque centenaire alors que vient à peine de s'ouvrir l'exposition Écrire, c’est dessiner accueillie par le Centre Pompidou-Metz (6 novembre 2021-21 février 2022). Ses œuvres y sont mises en relation avec celles de Pierre Alechinsky, Louise Bourgeois ou Jacques Villeglé, également avec des pages autographes d'Arthur Rimbaud, Victor Hugo ou Antonin Artaud.
Celle qui a écrit Je suis au volcan s'est éteinte à Paris le 14 novembre dernier à l'âge de 96 ans.
SC - 17/11/2021
Rencontre avec Sabine Melchior-Bonnet
Un auteur, une rencontre
Sabine Melchior-Bonnet
Sabine Melchior-Bonnet est historienne, spécialiste de l'histoire des sensibilités et autrice. Dans son libre Le Rire des femmes, paru en 2021 aux édition P.U.F, l’historienne s’attache à décrypter les raisons historiques qui font que le rire a longtemps été interdit aux femmes. Faire rire était une prérogative des hommes. Au nom de la bienséance, de la beauté et de la discrétion, il convenait d’opposer rire et féminité. Sabine Melchior-Bonnet montre comment les femmes se sont peu à peu emparées du pouvoir de faire rire.
Les médiathécaires proposent pour aller plus loin une sélection d'ouvrages sur le rire.
Rendez-vous le 20 novembre 2021 à 16 heures à la Médiathèque Edouard Glissant pour un échange autour de son dernier livre "Le rire des femmes : une histoire de pouvoir".
Regards sur l'Afghanistan
Livres documentaires et romans pour mieux comprendre l'actualité en Afghanistan
De nombreux écrivains afghans racontent l'histoire de leur pays à travers des romans, nouvelles ou récits personnels : Chébéka Hachemi, Khaled Hosseini, Chabname Zariab... L'écrivain Aliq Rahimi obtint notamment en 2008 le prix Goncourt pour son livre Syngué Sabour, Pierre de Patience.
L'ensemble des ouvrages est disponible au niveau -1 de la médiathèque, section documentaires Histoire.
ML - 30/10/2021
Les grands prix littéraires de l'automne
Les premières sélections des prix littéraires 2021
FrO. 25/09/2021
Jean-Luc Nancy, un philosophe touchant
De quoi Jean-Luc Nancy est-il le philosophe ? Du corps en tant qu'il est une pensée que l'on peut toucher. Du toucher en tant que son concept touche aux limites mêmes de la pensée. Du sens qui est fini en tant qu'il diffère de la vérité qui est infini. De la communauté en tant qu'elle expose l'écart commun qu'il y a entre les corps. De l'être enfin compris comme être-avec.
Le poids d'une pensée, son corps
Jean-Luc Nancy est né à Bordeaux en 1940 mais sa ville d'adoption est Strasbourg quand le jeune assistant en philosophie imprégné de christianisme et de phénoménologie intègre son université en 1968 pour y soutenir sa thèse en 1973. L'élève de Paul Ricœur à la Sorbonne fait alors une rencontre décisive, celle de Jacques Derrida dont il partage le projet d'une déconstruction de la métaphysique dans la relecture critique de Martin Heidegger. On rappellera en passant que la déconstruction ne nomme pas une destruction de la tradition mais une entreprise de déclosion, soit une ouverture de ce que la métaphysique suivi par les monothéismes a enclos. Autrement dit une levée de ses barrières. Lecteur de Hölderlin impressionné par Maurice Blanchot, relecteur exigeant de Hegel à qui il a consacré des analyses importantes, Jean-Luc Nancy a été proche aussi du germaniste Philippe Lacoue-Labarthe avec qui il a entrepris une revisitation du romantisme allemand suivie d'une analytique précise des ressorts mythiques du nazisme.
Entre 1973 et 2021, Jean-Luc Nancy a écrit plus d'une centaine de livres assurant sa reconnaissance internationale.
Les recherches philosophiques de Jean-Luc Nancy sont multiples en abordant des régions tantôt esthétiques (il est un grand penseur du dessin et de la danse), tantôt politiques (il est un penseur aussi important de la communauté et de la démocratie). A chaque fois il est question du corps en tant qu'il nomme un espace dont l'ouverture donne lieu à l'existence, une intimité finie qui ne cesse pourtant pas de se disséminer infiniment. Le corps est le site d'une exposition, celle d'une suspension du sens dont le sexe est la part intouchable autant que l'énigme inappropriable. Deux livres publiés entre 1992 et 2000 en témoignent remarquablement. Dans Corpus, Jean-Luc Nancy joue du fragment en éclatant la vérité du corps impossible à totaliser pour en faire fuir le sens dans les bords d'une pensée que le corps finit par excéder. Dans L'Intrus, le texte propose le repliement dans l'intimité de l'écrivain qui extrait de la greffe de cœur dont il a été le sujet une réflexion sur l'immunotoxicité des identités et leur altération par l'épreuve des hospitalités distinctes des hostilités avec lesquelles elles risquent toujours de se confondre en vérité.
Dans Le Poids d'une pensée, l'approche (2008), Jean-Luc Nancy pose que la pensée du monde consiste en sa pesée. Même si la pensée du monde qui est la pesée de sa finitude, de l'inachèvement de son sens et de son opacité est quant à elle immatérielle et sans poids.
Le tact des causes communes et l'adoration
Jacques Derrida a offert à l'ami le grand livre qui dit l'admiration de son geste philosophique : Le Toucher, Jean-Luc Nancy (2000). Comment faire en effet le concept d'un sens aussi évident que difficile à appréhender ? Le toucher appelle la finesse et la subtilité d'une pensée des distances même les plus réduites, des écarts y compris les plus minces (ou inframinces aurait dit Marcel Duchamp) : des contacts dans le respect de la distance s'effectuent avec tact. La pensée est consistante quand elle pense, avec la différence, les relations qui en sont le découlement. Une pensée curieuse et réitérée de l'hétéro qui critique avec le legs métaphysique l'autorité de l'auto caractérisant l'encerclement du monde à l'âge nihiliste des fusions de la technique et l'économique (ce que Jean-Luc Nancy nomme « l'éco-technie »). Une pensée qui n'aura de fait jamais cessé de ruminer l'aphorisme de Pascal : « L'homme passe infiniment l'homme ».
C'est ainsi que la pensée touche à l'être en tant qu'il appelle un autre tout en induisant concomitamment un avec. L'être tient donc à la fois du singulier et du pluriel. C'est pourquoi l'être n'autorise pas une représentation substantielle mais une conception relationnelle qui inclut une pensée renouvelée de ce qui est commun, ce déjà là qui invite à un communisme au-delà toute capture politique étatique. C'est le communisme existentiel de Jean-Luc Nancy parfaitement décrit par Frédéric Neyrat, autrement dit un existentialisme radicalisé qui a pour plan d'immanence l'être ressaisi comme être-avec. L'être est le nous ; mieux, c'est l'il y a qu'il y a entre nous. D'un côté la communauté n'écrase pas les singularités ; de l'autre les singularités ne se dissolvent pas dans les vertiges narcissiques de l'individualisme toxique : voilà l'horizon démocratique de la philosophie de Jean-Luc Nancy. La démocratie nomme ainsi un régime de sens dans la comparution des existences qui préfèrent à l'ordre des fins celui des moyens, les moyens d'inventer et de réinventer des espaces pour les aventures des causes communes et des singularités plurielles.
Le tact caractérisant la pensée de l'être comme ouverture originaire et être-avec, comme pensée des singularités plurielles et des causes communes a un nom, celui d'adoration. La déconstruction au sens de la déclosion pratiquée pendant un demi-siècle par Jean-Luc Nancy invite à l'adoration qui ne dit pas la vénération absolue des fétiches et des idoles mais nomme l'adresse qui vient d'ailleurs et excède toute signification en nous rappelant à l'ouvert dans ce qu'il y a : déhiscence, échappée ou brèche depuis l'ici même.
Le cinéma, le monde, le cinémonde
Enfin le cinéma. Jean-Luc Nancy s'est intéressé au cinéma comme sa pensée a intéressé le cinéma. Le philosophe a déjà dédié L'Évidence du film (2001) au cinéma d'Abbas Kiarostami dont l'art expérimente l'inclusion du regard du spectateur dans la scène qu'il contemple au-delà toute représentation. Non seulement le regard bouge mais c'est d'une nouvelle configuration de l'expérience dont il s'agit, d'une prégnance neuve dont le cinéma est capable en faisant expérience de tout. Le cinéma n'est ni le reflet de la vie ni son illusoire copie mais sa poursuite nouvelle, la possibilité pour que le monde continue autrement. Le cinéma comme une autre modalité possible du monde.
Jean-Luc Nancy va pousser plus loin sa pensée du cinéma avec un texte important publié dans le numéro 50 de la revue Trafic à l'été 2004. Répondant à l'emblématique question « Qu'est-ce que le cinéma ? », le philosophe propose de distinguer le cinéphile qui aime le cinéma d'auteur du cinéfile qui préfère se distraire mais les deux habitent un même monde qui peut se dire cinémonde. C'est, pour le dire en termes kantiens, la dimension proprement transcendantale du cinéma quand il est envisagé comme une condition de possibilité, de configuration et de schématisation du monde. Le monde se projette dans les films et le cinéma représente le monde autant qu'il le projette. Devenu une condition de possibilité et de schématisation de notre expérience, le cinéma fait de nous tous les habitants du cinémonde.
Hausser le cinéma à l'endroit où il est vraiment, à savoir son plan transcendantal, est un geste d'une grande et belle générosité. On ne s'étonnera dès lors pas que des artistes, particulièrement des cinéastes, se soient intéressé à la pensée de Jean-Luc Nancy, pensée de la peau, du corps et de sa fragilité. Ce sont d'abord Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval qui adaptent sur scène L'Intrus avant que leurs recherches n'alimentent un film important comme La Blessure (2004). On songe encore à l'essai intitulé Tombe de sommeil (2007) qui hante Low Life (2011) et ses amants parias qui habitent dans l'égalité du même sommeil. Claire Denis a proposé de son côté sa propre adaptation de L'Intrus avec son film L'Intrus (2004) qui succède à un délicat portrait documentaire, Vers Nancy (2002). C'est encore Rabah Ameur-Zaïmeche qui a confié au philosophe le soin de jouer un imprimeur dans Les Chants de Mandrin (2011).
Les derniers essais du prolifique Jean-Luc Nancy traitent des formes de la catastrophe contemporaine, politique avec Mascarons de Macron et sanitaire avec Un trop humain virus. Le 21 octobre prochain paraîtra Cruor qui portera sur la cruauté du monde dans lequel nous tentons de vivre malgré tout. Celui qui a dit « Seul un vivant peut dire je suis mort » s'est éteint le 23 août dernier. Il avait 81 ans.
SC. 25/08/2021
Giorgio Agamben, l'exception et le désoeuvrement
@ Alfons Freire
Au début des années 1960, Giorgio Agamben fait une thèse sur Simone Weil. Il a alors pour fréquentations Elsa Morante et Pier Paolo Pasolini. Il joue d'ailleurs pour ce dernier l'apôtre Philippe dans L'Évangile selon saint Matthieu en 1964 avant de participer deux ans plus tard aux séminaires que Martin Heidegger donne au Thor chez René Char. Dix ans plus tard, ses amis sont entre autres Guy Debord, Italo Calvino et Pierre Klossowski. Il traduit le premier et introduit en Italie la pensée de Walter Benjamin, l'un de ses auteurs de chevet. Son premier ouvrage traduit en français est Stanze. Parole et fantasme dans la culture occidentale en 1981. Giorgio Agamben est aujourd'hui l'un des plus grands philosophes contemporains.
Grand lecteur de Paul de Tarse et d'Aby Warburg, de Herman Melville et de Martin Heidegger, de Carl Schmitt et de Michel Foucault, Giorgio Agamben est doté d'une érudition philologique qui, mariée à la patience de l'analyse, a renouvelé en profondeur le paysage de la pensée occidentale. Le labeur herméneutique s'est exercé sur plusieurs plans, celui d'une compréhension anthropologique des arts, de la théologie, des manières et des usages, en témoignant d'une rigueur qui fait le sédiment d'une écriture classique, raffinée et au fond peu jargonnante. L'atelier de pensée d'Agamben aura fini progressivement par accoucher d'une archéologie de la modernité verrouillée autour d'une conception du droit dont le socle théologique demeure impensé.
Les courts essais écrits depuis plus de quarante ans déploient une constellation dont le soleil noir demeure Homo Sacer qui regroupe neuf volumes publiés entre 1998 et 2015 en dépassant les 1 300 pages. Parmi tous les dispositifs existants qui capturent nos puissances, le droit est l'un des plus sophistiqué. C'est une machine de guerre qui, dans la suite des critiques avancées par Hannah Arendt, divise en chaque individu la vie nue (zoé) et l'existence reconnue politiquement (bios). Exposés à la souveraineté d'un pouvoir qui fait de l'exception sa règle, les individus dotés de droits peuvent à tout moment les perdre en rejoignant ainsi la condition de paria dont la vie est superflue, au-delà même du sacrifiable (d'où le terme d'homo sacer qui est une catégorie issue du vieux droit romain).
Parce que le droit fabrique aussi la possibilité du contraire, le camp s'impose comme un nomos pour la modernité, l'un de ses dispositifs privilégiés. Sur ce plan-là, le philosophe italien rejoint les historiens contemporains comme Johann Chapouteau qui ont démontré qu'il n'y avait pas de rupture juridique fondamentale entre le libéralisme et le nazisme.
Contre la volonté, pouvoir son impuissance
Face à ce risque continuel que ne cessent d'amplifier les législations d'exception, notamment aujourd'hui en temps de terrorisme et de crise sanitaire, Giorgio Agamben met l'accent sur l'éthique du désœuvrement qu'il reconnaît dans les communautés franciscaines et la figure littéraire du scribe Bartleby, dans l'amour qui est une zone de non-connaissance sans condition et dans l'amitié qui n'est pas une volonté mais un partage d'avant tout partage. Mais aussi dans les gestes que recueille le cinéma, surtout muet, comme dans le poème qui délivre le langage de la communication au nom du soin donné aux noms. Autrement dit dans une forme d'impuissance parce que, relecture d'Aristote oblige, la puissance de faire se double toujours aussi d'une puissance de ne pas faire. Une puissance de ne pas ne pas faire. « Je préférerais ne pas » comme le dit l'ange Bartleby.
Devant l'enfer pavé de bonnes intentions que construisent par volontarisme les activistes de l'économie désencastrée, le philosophe italien voit notre rédemption dans ce qu'il nomme le désœuvrement, à savoir la puissance-de-ne-pas-ne-pas, celle que déploient des formes-de-vie qui ne sont pas des existences réglées par la norme mais des vies qui coïncident avec leurs formes.
L'historien de l'art Georges Didi-Huberman et l'économiste Frédéric Lordon ont entre autres proposé des critiques légitimes au projet philosophique de Giorgio Agamben. Le premier en insistant à raison sur la radicalité du pessimisme ontologique du philosophe italien au point de réduire le champ des possibles. Le second en montrant qu'il y a en effet des soustractions et des retraits qui participent à renforcer une vision de l'émancipation anarchiste mais élitaire dont l'impuissance se dépossède elle-même de la force nécessaire à abattre les dominations de l'État et du capital.
Il n'empêche, la communauté qui vient ne sera pas composée d'individus réduits à la somme de leurs marques identitaires, biologiques, nationales ou culturelles, mais par des singularités quelconques qui ne seront exemplaires que d'elles-mêmes, telles que nous importera leur quel. Seules les singularités quelconques ont l'entière garde de notre humanité parce qu'elles peuvent notre impuissance.
C'est à cet égard que Giorgio Agamben est un grand philosophe contemporain parce qu'il « perçoit l’obscurité de son temps comme une affaire qui le regarde et n’a de cesse de l’interpeller, quelque chose qui, plus que toute lumière, est directement et singulièrement tourné vers lui. Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps ».
La Commune comme un poème
Sa vie et sa mort en ont fait un mythe jamais usurpé ; de toutes les révolutions, elle ne sera jamais dévoyée ; dès les premières rumeurs et bien après la semaine sanglante, la Commune de Paris a animé de nombreux poètes brisant de leur plume le conformisme de l’art littéraire bourgeois.
Rimbaud, Victor Hugo, Louise Michel, Jean-Baptiste Clément, Jules Vallès, Verlaine…, inspirés par la révolte et la colère, des barricades, des geôles à l’exil, ont versé leurs vers en forme de brûlots anti-versaillais ou d’odes aux communards.
Fondateur du journal le Cri du Peuple et écrivain, Jules Vallès est également poète. Au premier jour de la Commune, alors qu’il entend « le murmure de cette Révolution qui passe tranquille et belle comme une rivière bleue », il termine son éditorial dans le Cri du Peuple : « Fils des désespérés, tu seras un homme libre. »
Mais le 28 mai, la bataille est finie, la semaine sanglante s’achève avec plusieurs dizaines de milliers de communards fusillés.
« Là-haut un soleil cru flambait dans un ciel dur,
Que les boulets rayaient comme des hirondelles.
L’incendie étalait l’or rouge de ses ailes !
Entre la terre chaude et le ciel aveuglant
Le vaincu s’arrêta pâle, las et sanglant… »
Il restera fidèle à la Commune même après son écrasement. L’orgie parisienne ou Paris se repeuple est un cri de fureur lancé aux bourgeois qui reprennent leur place dans Paris.
L'Orgie parisienne lu par Denis Lavant
« De ces œillets rouges que, pour nous reconnaître,
Avait chacun de nous, renaissez, rouges fleurs.
D’autres vous répandront aux temps qui vont paraître,
Et ceux-là seront les vainqueurs. »
Beaucoup de poèmes furent dédiés à Louise Michel, dont celui de Victor Hugo :
« Ta bonté, ta fierté de femme populaire.
L’âpre attendrissement qui dort sous ta colère. »
« Guerre qui veut Tacite et repousse Homère !
La victoire s’achève en massacre sommaire. Ceux qui sont satisfaits sont furieux : j’entends
Dire : - il faut en finir avec les mécontents. –
Alceste est aujourd’hui fusillé par Philinte.
Partout la mort. Eh bien, pas une plainte.
O blé que le destin fauche avant qu’il soit mûr !
O peuple. » …
… « Là des tas d’hommes sont mitraillés ; nul ne pleure ;
Il semble que leur mort à peine les effleure,
Qu’ils ont hâte de fuir un monde âpre, incomplet,
Triste, et que cette mise en liberté leur plaît.
Nul ne bronche. On adosse à la même muraille
Le petit-fils avec l’aïeul, et l’aïeul raille,
Et l’enfant blond et frais s’écrie en riant : Feu ! »…
Eugène Pottier ouvrier et poète est aussi l’auteur du chant le plus connu au monde : L’Internationale, écrit en juin 1871. Militant révolutionnaire durant toute sa vie, il a créé de nombreux chants révolutionnaires et magnifie la Commune à chaque occasion.
« La Commune est un coup de foudre,
Et Paris peut en être fier ;
Ce globe inquiet sent la poudre
Tout comme si c’était hier… »
"Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Évitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerise,
Vous aurez aussi des chagrins d'amour."
Verlaine n’a eu de cesse d’habiller de poésie toutes les insurrections parisiennes. En 1872, il écrit ces vers de désespoir :
« Ah ! puisque notre sort est bien complet, qu’enfin
L’espoir est aboli, la défaite certaine,
Et que l’effort le plus énorme serait vain,
Et puisque c’en est fait, même de notre haine,
Nous n’avons plus, à l’heure où tombera la nuit,
Abjurant tout risible espoir de funérailles,
Qu’à nous laisser mourir obscurément sans bruit,
Comme il sied aux vaincus des suprêmes batailles."
Dans un ultime poème, « Mort », un testament spirituel, Verlaine affirme que la poésie doit s’intégrer au combat révolutionnaire.
« Les Armes ont tu leurs ordres qu’on attendait
Même chez les rêveurs mensongers que nous sommes,
Honteux de notre bras qui pendait et tardait,
Et nous allons, désappointés parmi les hommes. »
Eugène Vermersch collabore au Cri du peuple et au Père Duchêne où il traite l’actualité sur le ton du pamphlet. Sous le choc de la répression versaillaise, il écrit l’un de ses plus beaux poèmes, Les Incendiaires.
…
« Le feu de pourpre et d’or monte comme un soupir
Vers les appartements secrets des Tuileries,
Sèche les plafonds peints et les chambres fleuries,
Et dévorant, au fond des boudoirs étoilés,
Les meubles précieux, les plafonds ciselés,
Les lacques, les tableaux et les blanches statues,
Dont l’orgueil virginal enfle les gorges nues ;
Il montre dans la nuit au monde épouvanté
Comment tombe Paris drapé dans sa fierté. »…
De nombreux autres poètes ont participé à la Commune. Citons Gaston Crémieux et Clovis Hugues, parties prenantes de la Commune de Marseille. Le premier a été condamné à mort et exécuté. « Le cri de Spartacus, du Christ et de Socrate, Comme un écho vivant dans ma poitrine éclate,
Et je sens sourdre en moi la révolution. ».
Clovis Hugues fera trois ans de prison d’où il écrira,
« C’est parce que Paris a fait
Mourir soixante-quatre otages
Qu’ils ont déchaîné Galliffet :
Ceux-là, c’étaient des personnages !
Mais les trente mille damnés
Dont le ver boit les lèvres closes
N’ont droit, sous les cieux étonnés,
Qu’aux larmes de l’aube et des roses. »
Une sélection de recueils à emprunter :
Jacques Bouveresse, langage et vérité
Saad Chakali
10 mai : Commémoration de l'abolition de l'esclavage
Depuis 2006 en France, le 10 mai est la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition ».
La France est le premier État et demeure le seul qui, à ce jour, ait déclaré la traite négrière et l'esclavage "crime contre l'humanité".
Quelques repères historiques :
Dès la découverte de l'Amérique du Sud par Christophe Colomb, en 1492, l'esclavagisme européen commence à se développer, le navigateur ramenant des Indiens en Espagne. Mais c'est bien au début du XVIe siècle, à l'initiative des Portugais, que la traite des esclaves prend son essor et que va naître le commerce triangulaire.
Durant près de trois siècles, plus de 20 millions d'Africains furent ainsi réduits en esclavage pour des raisons économiques.
La première abolition de l'esclavage par la France, adoptée par Robespierre, a lieu le 4 février 1794 pour calmer les révoltes dans les colonies des Antilles.
Napoléon Bonaparte revient sur cette mesure et le légalise en 1802.
L'abolition définitive de l'esclavage, suivie de l'émancipation des esclaves, est prononcée par décret du Gouvernement provisoire de la République, adopté sous l'impulsion de Victor Schœlcher, le 27 avril 1848.
La date du 10 mai correspond à l'adoption par le Parlement, le 10 mai 2001, de la loi Taubira "reconnaissant la traite négrière transatlantique et l'esclavage".
Si vous souhaitez vous documenter sur ce sujet, n’hésitez pas à consulter les différentes collections (littérature et documentaires ) proposées par les Médiathèques du Blanc-Mesnil. Vous trouverez des informations aussi bien au secteur Ado-Adulte qu'au secteur jeunesse pour les enfants.
Nous vous invitons notamment à lire le texte de notre emblématique romancier, poète et philosophe martiniquais Edouard Glissant intitulé "10 mai, Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions".
Rencontre avec Joy Sorman
La médiathèque Édouard Glissant a accueilli l'autrice Joy Sorman pour une rencontre autour de son livre À la folie, dans le cadre du festival littéraire en Seine-Saint-Denis Hors Limites. À la folie est le fruit d'une enquête de terrain, menée sur le long terme et en immersion, à raison d’un jour par mois passé dans une unité psychiatrique. Recueillir les paroles de celles et ceux que l'on dit fous et de leurs soignant·e·s est une façon d’aborder un sujet politique et social essentiel.
Mais plus qu’en journaliste, c’est en écrivaine qu’elle s’est positionnée, sensible à ce que ce verbe délirant et inventeur de mondes constitue une véritable aventure du langage. Joy Sorman explore ces lieux (physiques, mentaux), et ses espaces du savoir (intime et scientifique), où la vérité est en crise et la précarité s’exprime à tous les niveaux.
Constat alarmant sur l’état de la psychiatrie en France, À la folie offre également matière à réflexion sur la façon dont notre société médicalise les questions existentielles, et relègue à l’hôpital psychiatrique tout ce qui relève des conséquences directes de sa violence, comme les pathologies liées aux migrations, à la transidentité ou au désespoir social.
Il y a 150 ans, la Commune de Paris
Festival Hors Limites en Seine-Saint-Denis
Un festival en version numérique
L'édition 2021 du festival littéraire Hors Limites sera faite de rencontres avec des auteurs que vous pourrez visionner ou écouter, en direct ou en différé, sur le site du festival dès le 26 mars : www.hors-limites.fr.
Cela ne vous empêchera pas d'assiter à leur enregistrement si vous le souhaitez.
C'est ainsi que la médiathèque Édouard Glissant accueille l'autrice Joy Sorman pour une rencontre autour de son livre À la folie. Avec ce récit, Joy Sorman nous plonge au cœur d'une réalité qui nous échappe, celle de l'univers de la médecine psychiatrique. Elle y retranscrit la parole des patients mais aussi des soignants et analyse l'évolution du traitement de la folie dans notre société. Un témoignage saisissant.
Le poète Philippe Jaccottet est mort
Philippe Jaccottet laisse à l’éternité une œuvre abondante, une poésie généreuse et simple en apparence qui a influencé de nombreux poètes. Il est l’un des poètes contemporains les plus lus, étudiés et traduits. Suisse de langue française, il fait partie des rares poètes à être publié en Pléiade de son vivant et est lauréat de nombreux prix dont le Goncourt de la poésie.
Membre dans sa jeunesse des cercles littéraires, en particulier celui de la Nouvelle Revue Française avec Jean Paulhan, Francis Ponge ou Henri Michaux, ami d’Yves Bonnefoy, André du Bouchet ou Henri Thomas, il décide en 1953 de se retirer dans la Drôme avec sa femme, la peintre Anne-Marie Haesler. Il y produira toute son œuvre. Philippe Jacottet est mort le 24 février à l’âge de 95 ans.
Les animations confinées
À petit pas : le quotidien de bébé
Comptines, chansons et histoires..., les médiathécaires se sont filmés pour que les enfants puissent assister à leur séance de "À petits Pas" sur le thème du quotidien de bébé.
Cafeyn, le kiosque à journaux en ligne
Top 3 des documents les plus empruntés
Les animations confinées
Anti-héros, rebelles et vilains du comic book
Des années 30 à aujourd'hui, Jordan vous révèle tout sur les super-vilains, doubles du héros, d'eux-mêmes, aux personnalités de plus en plus complexes.
1ère partie
2ème partie
Les animations confinées
Ce n'est pas parce qu'on est confiné qu'on doit rater son rendez-vous. Les médiathécaires se sont filmés pour que les tout petits assistent à leur séance de "À petits pas" sur le thème des onomatopées.
Les grands prix littéraires de l'automne
Les premières sélections des prix littéraires
Comment donner son avis sur les livres ?
Cherchez le livre dans le catalogue et cliquez sur la bulle (carrée) à droite. Une fenêtre s'ouvre et il ne vous reste plus qu'à remplir les champs.
Bernard Stiegler : la technique reste la question de notre temps
Penser l'époque avec Bernard Stiegler, l'un des plus grands philosophes contemporains, invite à réfléchir au destin techno-logique de l'humanité, au carrefour critique du langage et de l'outil. Ce destin a une lointaine origine accidentelle, l'accident d'une extériorisation continuée dont la mémoire et ses prothèses trame notre singularité anthropologique.
Depuis 25 ans, Bernard Stiegler a développé une pensée complexe de la technique pour autant que la technique est la question philosophique évacuée par la métaphysique et son histoire. A chaque époque de l'histoire de l'humanité l'extériorisation technique oblige à un changement de civilisation raccord avec ses puissances interruptives. La vérité de l'époque actuelle est celle de l'industrialisation intégrale du vivant sous la forme de sa numérisation et du consumérisme qui se comprend comme la consommation de toute chose. Y compris la vie de l'esprit abêtie par la crétinisation médiatique des opinions et la surenchère pulsionnelle.
Penser l'époque propose de contribuer à l'invention d'un nouveau modèle économique délié d'un consumérisme écologiquement insoutenable. L'automatisation y aiderait grandement en libérant une quantité de temps cependant gaspillé en sous-emploi, loisirs sous contrôle et chômage de masse. La nouveauté techno-logique de l'époque invite à faire émerger aux côtés d'une démocratie réellement participative une nouvelle économie politique qui soit une économie de la contribution et de la civilité. Dans la préférence de l'investissement à long terme à la disruption et ses chocs de court-terme, démocratie participative et économie de la contribution s'allient pour substituer à la prolétarisation des consommateurs le désir de prendre soin d'eux en civilisant leurs désirs et en les cultivant comme des praticiens et des amateurs.
La médiathèque met à votre disposition une dizaine d'ouvrages pour vous initier à la pensée de l'un des grands penseurs de notre temps.
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Une séance photo (facultative) vous sera proposée dans nos locaux à l'occasion de la publication.
Au plaisir de vous lire,
L'équipe de la médiathèque.
* Les fiches de rédaction et la boîte sont disponibles en section BD ados/adultes, derrière l'accueil.