1 avis
Saint-Cyr / Patricia Mazuy, réal.
Vidéo
Edité par Archipel 35 ; Blaq out - 2014
Fin du XVIIe siècle: Madame de Maintenon, épouse secrète de Louis XIV, crée l'Ecole de Saint-Cyr afin d'y accueillir 250 jeunes filles de la noblesse ruinée par les guerres. Son but avoué est d'en faire des femmes libres, grâce à une éducation d'avant-garde... Austère et puissant, le film d'une cinéaste exigeante.
Se procurer le document
Autre format
Issus de la même oeuvre
Avis
Avis des professionnels
-
La liberté, au galop
Deuxième long-métrage de Patricia Mazy, "Saint Cyr" est l'adaptation d'un roman de Yves Dangerfield intitulé "La Maison d'Esther". Il s'agit de raconter la création d'une école fondée sous le règne de Louis XIV par l'une de ses courtisanes, Mme de Maintenon, qui a recueilli des filles désargentées de la France entière afin de leur fournir une bonne éducation nécessaire à un beau mariage. L'ambition de Mme de Maintenon jouée par Isabelle Huppert est une manière indirecte d'appuyer la politique du roi en obligeant les jeunes filles à apprendre une langue commune, le français officiel, en délaissant forcément leur patois. C'est d'ailleurs l'une des singularités du film de Patricia Mazuy que de donner à entendre autant de langues régionales, rares dans le cinéma français. Deux élèves sortent alors du lot, Anne et Lucie, unies par leur langue commune leur permettant de s'apprivoiser mutuellement. L'éducation des femmes se réduit à peu de choses, élevage des enfants et tâches domestiques. Mme de Maintenon souhaite offrir à ces jeunes filles la possibilité d'acquérir les savoirs et disciplines leur permettant d'avoir une meilleure connaissance du monde qui les entoure. Devenues des femme accomplies, elles pourront faire alors un beau mariage. Mais quand la Cour pointe le bout de son nez, Mme de Maintenon se rend compte qu'elle fait fausse route et décide alors de resserrer le boulon de l'éducation des filles. Avec cette reconstitution historique d'une époque souvent représentée au cinéma mais jamais sous cet angle, Patricia Mazuy propose une réflexion sur une utopie féminine qui, sous la double férule de la religion et de l'État, se transforme peu à peu en institution sectaire, voire totalitaire. Mme de Maintenon est une femme pieuse qui, par peur de l'enfer et sous la pression du jansénisme, va en effet réintroduire brutalement la religion dans une école qui dans un premier temps ne devait surtout pas ressembler à un couvent. Si les filles sont soumises au commandement de la directrice de l'institution, une seule arrive à remettre en cause cet enseignement et Patricia Mazuy lui réserve le plus beau plan, le dernier de son film. Récemment délivrée du carcan social de l'école de Mme de Maintenon dont l'utopie vient de s'effondrer, Anne se voit contrainte de dompter cette chose nouvelle qu'est sa liberté. Comme le cheval qu'elle monte, Anne doit apprivoiser son désir de vivre libre. Elle tourne alors en rond avant de trouver la direction à prendre qui sera celle de son émancipation. S'émanciper se conçoit dès lors toujours comme se libérer de ses émancipateurs.
Alexia Roux - Le 30 décembre 2022 à 09:41