La Commune comme un poème
Célèbres depuis ou restés anonymes, les poètes ont chanté la Commune de Paris et l’explosion généreuse du cœur populaire.
Sa vie et sa mort en ont fait un mythe jamais usurpé ; de toutes les révolutions, elle ne sera jamais dévoyée ; dès les premières rumeurs et bien après la semaine sanglante, la Commune de Paris a animé de nombreux poètes brisant de leur plume le conformisme de l’art littéraire bourgeois.
Rimbaud, Victor Hugo, Louise Michel, Jean-Baptiste Clément, Jules Vallès, Verlaine…, inspirés par la révolte et la colère, des barricades, des geôles à l’exil, ont versé leurs vers en forme de brûlots anti-versaillais ou d’odes aux communards.
Fondateur du journal le Cri du Peuple et écrivain, Jules Vallès est également poète. Au premier jour de la Commune, alors qu’il entend « le murmure de cette Révolution qui passe tranquille et belle comme une rivière bleue », il termine son éditorial dans le Cri du Peuple : « Fils des désespérés, tu seras un homme libre. »
Mais le 28 mai, la bataille est finie, la semaine sanglante s’achève avec plusieurs dizaines de milliers de communards fusillés.
« Là-haut un soleil cru flambait dans un ciel dur,
Que les boulets rayaient comme des hirondelles.
L’incendie étalait l’or rouge de ses ailes !
Entre la terre chaude et le ciel aveuglant
Le vaincu s’arrêta pâle, las et sanglant… »
Arthur Rimbaud n’a que 16 ans et adhère avec ardeur à la révolution communarde. Même s’il n’a sans doute pas eu le temps de se retrouver sur les barricades, il vit par l’imagination toute la passion des fédérés. « J’ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils ».
Il restera fidèle à la Commune même après son écrasement. L’orgie parisienne ou Paris se repeuple est un cri de fureur lancé aux bourgeois qui reprennent leur place dans Paris.
L'Orgie parisienne lu par Denis Lavant
Louise Michel, au premier rang sur les barricades, a été toute sa vie une militante pour la liberté et l’égalité. Figure mythique de la Commune de Paris, son enterrement sera suivi par 100 000 personnes. Même après le massacre de la Semaine Sanglante, elle n’abandonnera jamais l’espoir d’une issue révolutionnaire heureuse. Elle écrit de sa prison de Versailles :
« De ces œillets rouges que, pour nous reconnaître,
Avait chacun de nous, renaissez, rouges fleurs.
D’autres vous répandront aux temps qui vont paraître,
Et ceux-là seront les vainqueurs. »
Beaucoup de poèmes furent dédiés à Louise Michel, dont celui de Victor Hugo :
« Ta bonté, ta fierté de femme populaire.
L’âpre attendrissement qui dort sous ta colère. »
En désaccord sur l’opportunité de l’insurrection de mars 1871, Victor Hugo se range résolument du côté des communards après la Semaine Sanglante.
« Guerre qui veut Tacite et repousse Homère !
La victoire s’achève en massacre sommaire. Ceux qui sont satisfaits sont furieux : j’entends
Dire : - il faut en finir avec les mécontents. –
Alceste est aujourd’hui fusillé par Philinte.
Partout la mort. Eh bien, pas une plainte.
O blé que le destin fauche avant qu’il soit mûr !
O peuple. » …
… « Là des tas d’hommes sont mitraillés ; nul ne pleure ;
Il semble que leur mort à peine les effleure,
Qu’ils ont hâte de fuir un monde âpre, incomplet,
Triste, et que cette mise en liberté leur plaît.
Nul ne bronche. On adosse à la même muraille
Le petit-fils avec l’aïeul, et l’aïeul raille,
Et l’enfant blond et frais s’écrie en riant : Feu ! »…
Eugène Pottier ouvrier et poète est aussi l’auteur du chant le plus connu au monde : L’Internationale, écrit en juin 1871. Militant révolutionnaire durant toute sa vie, il a créé de nombreux chants révolutionnaires et magnifie la Commune à chaque occasion.
« La Commune est un coup de foudre,
Et Paris peut en être fier ;
Ce globe inquiet sent la poudre
Tout comme si c’était hier… »
Jean-Baptiste Clément, chansonnier, poète et journaliste, est l’auteur de la célèbre chanson « Le Temps des cerises » qu’il dédie à « la vaillante citoyenne Louise, l’ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi le dimanche 28 mai 1871."
"Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Évitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerise,
Vous aurez aussi des chagrins d'amour."

Verlaine n’a eu de cesse d’habiller de poésie toutes les insurrections parisiennes. En 1872, il écrit ces vers de désespoir :
« Ah ! puisque notre sort est bien complet, qu’enfin
L’espoir est aboli, la défaite certaine,
Et que l’effort le plus énorme serait vain,
Et puisque c’en est fait, même de notre haine,
Nous n’avons plus, à l’heure où tombera la nuit,
Abjurant tout risible espoir de funérailles,
Qu’à nous laisser mourir obscurément sans bruit,
Comme il sied aux vaincus des suprêmes batailles."
Dans un ultime poème, « Mort », un testament spirituel, Verlaine affirme que la poésie doit s’intégrer au combat révolutionnaire.
« Les Armes ont tu leurs ordres qu’on attendait
Même chez les rêveurs mensongers que nous sommes,
Honteux de notre bras qui pendait et tardait,
Et nous allons, désappointés parmi les hommes. »
Eugène Vermersch collabore au Cri du peuple et au Père Duchêne où il traite l’actualité sur le ton du pamphlet. Sous le choc de la répression versaillaise, il écrit l’un de ses plus beaux poèmes, Les Incendiaires.
…
« Le feu de pourpre et d’or monte comme un soupir
Vers les appartements secrets des Tuileries,
Sèche les plafonds peints et les chambres fleuries,
Et dévorant, au fond des boudoirs étoilés,
Les meubles précieux, les plafonds ciselés,
Les lacques, les tableaux et les blanches statues,
Dont l’orgueil virginal enfle les gorges nues ;
Il montre dans la nuit au monde épouvanté
Comment tombe Paris drapé dans sa fierté. »…
De nombreux autres poètes ont participé à la Commune. Citons Gaston Crémieux et Clovis Hugues, parties prenantes de la Commune de Marseille. Le premier a été condamné à mort et exécuté. « Le cri de Spartacus, du Christ et de Socrate, Comme un écho vivant dans ma poitrine éclate,
Et je sens sourdre en moi la révolution. ».
Clovis Hugues fera trois ans de prison d’où il écrira,
« C’est parce que Paris a fait
Mourir soixante-quatre otages
Qu’ils ont déchaîné Galliffet :
Ceux-là, c’étaient des personnages !
Mais les trente mille damnés
Dont le ver boit les lèvres closes
N’ont droit, sous les cieux étonnés,
Qu’aux larmes de l’aube et des roses. »
Françoise Oliva
Une sélection de recueils à emprunter :
Sa vie et sa mort en ont fait un mythe jamais usurpé ; de toutes les révolutions, elle ne sera jamais dévoyée ; dès les premières rumeurs et bien après la semaine sanglante, la Commune de Paris a animé de nombreux poètes brisant de leur plume le conformisme de l’art littéraire bourgeois.
Rimbaud, Victor Hugo, Louise Michel, Jean-Baptiste Clément, Jules Vallès, Verlaine…, inspirés par la révolte et la colère, des barricades, des geôles à l’exil, ont versé leurs vers en forme de brûlots anti-versaillais ou d’odes aux communards.
Fondateur du journal le Cri du Peuple et écrivain, Jules Vallès est également poète. Au premier jour de la Commune, alors qu’il entend « le murmure de cette Révolution qui passe tranquille et belle comme une rivière bleue », il termine son éditorial dans le Cri du Peuple : « Fils des désespérés, tu seras un homme libre. »
Mais le 28 mai, la bataille est finie, la semaine sanglante s’achève avec plusieurs dizaines de milliers de communards fusillés.
« Là-haut un soleil cru flambait dans un ciel dur,
Que les boulets rayaient comme des hirondelles.
L’incendie étalait l’or rouge de ses ailes !
Entre la terre chaude et le ciel aveuglant
Le vaincu s’arrêta pâle, las et sanglant… »
Il restera fidèle à la Commune même après son écrasement. L’orgie parisienne ou Paris se repeuple est un cri de fureur lancé aux bourgeois qui reprennent leur place dans Paris.
L'Orgie parisienne lu par Denis Lavant
« De ces œillets rouges que, pour nous reconnaître,
Avait chacun de nous, renaissez, rouges fleurs.
D’autres vous répandront aux temps qui vont paraître,
Et ceux-là seront les vainqueurs. »
Beaucoup de poèmes furent dédiés à Louise Michel, dont celui de Victor Hugo :
« Ta bonté, ta fierté de femme populaire.
L’âpre attendrissement qui dort sous ta colère. »
« Guerre qui veut Tacite et repousse Homère !
La victoire s’achève en massacre sommaire. Ceux qui sont satisfaits sont furieux : j’entends
Dire : - il faut en finir avec les mécontents. –
Alceste est aujourd’hui fusillé par Philinte.
Partout la mort. Eh bien, pas une plainte.
O blé que le destin fauche avant qu’il soit mûr !
O peuple. » …
… « Là des tas d’hommes sont mitraillés ; nul ne pleure ;
Il semble que leur mort à peine les effleure,
Qu’ils ont hâte de fuir un monde âpre, incomplet,
Triste, et que cette mise en liberté leur plaît.
Nul ne bronche. On adosse à la même muraille
Le petit-fils avec l’aïeul, et l’aïeul raille,
Et l’enfant blond et frais s’écrie en riant : Feu ! »…
Eugène Pottier ouvrier et poète est aussi l’auteur du chant le plus connu au monde : L’Internationale, écrit en juin 1871. Militant révolutionnaire durant toute sa vie, il a créé de nombreux chants révolutionnaires et magnifie la Commune à chaque occasion.
« La Commune est un coup de foudre,
Et Paris peut en être fier ;
Ce globe inquiet sent la poudre
Tout comme si c’était hier… »
"Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Évitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerise,
Vous aurez aussi des chagrins d'amour."
Verlaine n’a eu de cesse d’habiller de poésie toutes les insurrections parisiennes. En 1872, il écrit ces vers de désespoir :
« Ah ! puisque notre sort est bien complet, qu’enfin
L’espoir est aboli, la défaite certaine,
Et que l’effort le plus énorme serait vain,
Et puisque c’en est fait, même de notre haine,
Nous n’avons plus, à l’heure où tombera la nuit,
Abjurant tout risible espoir de funérailles,
Qu’à nous laisser mourir obscurément sans bruit,
Comme il sied aux vaincus des suprêmes batailles."
Dans un ultime poème, « Mort », un testament spirituel, Verlaine affirme que la poésie doit s’intégrer au combat révolutionnaire.
« Les Armes ont tu leurs ordres qu’on attendait
Même chez les rêveurs mensongers que nous sommes,
Honteux de notre bras qui pendait et tardait,
Et nous allons, désappointés parmi les hommes. »
Eugène Vermersch collabore au Cri du peuple et au Père Duchêne où il traite l’actualité sur le ton du pamphlet. Sous le choc de la répression versaillaise, il écrit l’un de ses plus beaux poèmes, Les Incendiaires.
…
« Le feu de pourpre et d’or monte comme un soupir
Vers les appartements secrets des Tuileries,
Sèche les plafonds peints et les chambres fleuries,
Et dévorant, au fond des boudoirs étoilés,
Les meubles précieux, les plafonds ciselés,
Les lacques, les tableaux et les blanches statues,
Dont l’orgueil virginal enfle les gorges nues ;
Il montre dans la nuit au monde épouvanté
Comment tombe Paris drapé dans sa fierté. »…
De nombreux autres poètes ont participé à la Commune. Citons Gaston Crémieux et Clovis Hugues, parties prenantes de la Commune de Marseille. Le premier a été condamné à mort et exécuté. « Le cri de Spartacus, du Christ et de Socrate, Comme un écho vivant dans ma poitrine éclate,
Et je sens sourdre en moi la révolution. ».
Clovis Hugues fera trois ans de prison d’où il écrira,
« C’est parce que Paris a fait
Mourir soixante-quatre otages
Qu’ils ont déchaîné Galliffet :
Ceux-là, c’étaient des personnages !
Mais les trente mille damnés
Dont le ver boit les lèvres closes
N’ont droit, sous les cieux étonnés,
Qu’aux larmes de l’aube et des roses. »
Françoise Oliva
Une sélection de recueils à emprunter :
Il y a 150 ans, la Commune de Paris
La France de 1870 est non seulement meurtrie mais divisée.
Après la défaite de Sedan le 1er septembre contre la Prusse soldée par l'annexion de l'Alsace-Lorraine, le gouvernement présidé par Adolphe Thiers et les citoyens qui ont créé pendant la guerre la garde nationale ne s'entendent pas sur le destin de la nation. Les Parisiens ont faim et survivent tandis que les représentants de l'État se réfugient à Versailles, tout un symbole.
La non réconciliation nationale culmine avec l'entrepôt de canons à Montmartre le 18 mars suivi par la proclamation de la Commune le 27 mars 1871. C'est l'un des événements les plus médiatisés de son temps. Son programme tient autant de l'urgence qu'il annonce l'avenir, avec la séparation de l’Église et de l’État et la liberté de la presse, l'interdiction de la prostitution et l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Le 21 mai, les Versaillais entrent dans Paris, la répression des communards dure une semaine, terrible. La violence est une accoucheuse aux forceps de l'Histoire. L'acte de naissance de la IIIème République est le choc traumatisant d'une guerre civile ayant culminé dans le bain de sang de 10.000 révoltés.
Entre le Sacré-cœur et le Temps des cerises, le mur des fédérés au Père-Lachaise et les toiles de Gustave Courbet, les combats de Louise Michel et les écrits de Jules Vallès, la Commune demeure une date vive dans l'Histoire de France. Un sphinx pour certains, pour d'autres un phénix.
Saad Chakali
Saad Chakali
Retrouvez l'histoire épique de la Commune dans les nombreux documents que vous proposent les collections des médiathèques du Blanc-Mesnil.