Don DeLillo : fiction contre les systèmes (La) / François Happe, prof à luniversité d'Orlèans

Livre

Happe, François. Auteur

Edité par Belin. Paris - 2000

Dans une oeuvre romanesque devenue majeure, Don DeLillo explore inlassablement les rapports que l'écriture entretient avec le pouvoir.

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Avis des professionnels

  • Don DeLillo, éclaireur du contemporain 5/5

    Don DeLillo croit encore que le roman américain est puissant à expérimenter l'impuissance à comprendre le sens du contemporain. Dans Joueurs (1977) et Les Noms (1982), Cosmopolis (2003) adapté au cinéma par David Cronenberg et L'Homme qui tombe (2007), le terrorisme délivre aux forceps la vérité apocalyptique de la finance internationale et du consumérisme. Dans Americana (1971), Libra (1988) et Mao II (1991), l'opacité spectaculaire des événements historiques offre à l'Amérique le dernier refuge spectral de ses restes mythiques. Dans Zéro K (2016), les progrès scientifiques sont la religion hyper-moderne des vieux croyants en l'immortalité. Dans Great Jones Street (1973), la pop culture est l'esprit ludique et démonique d'une marchandisation intégrale de la culture. Dans Body Art (2001) et Point Oméga (2010), l'art contemporain est un désert où s'abîment la vérité des corps et le sens des images. Avec Bruit de fond (1985) et Outremonde (1997), le contemporain est une société globale du risque intégral, fièvre médiatique qui se répand tel un gaz toxique et production disséminée de déchets nucléaires telles des armes de destruction lente et massive. Don DeLillo nous sauve du prophétisme réactionnaire de Michel Houellebecq. Avec lui, la postmodernité est la parodie carnavalesque des promesses d'émancipation de la modernité et l'humanité augmentée est une comédie absurde dont la farce bruyante a pour envers la tragédie silencieuse d'une humanité diminuée. Comme l'aurait dit Bernard Stiegler, la bêtise d'Épiméthée est l'ombre portée des prodiges titanesques de son jumeau Prométhée. La littérature est ainsi une pharmacologie pour qui n'ignore jamais que les pharmaciens d'aujourd'hui sont pour le plus grand nombre des dealers de masse. C'est la grande image donnée par l'une des neuf nouvelles du recueil L'Ange Esmeralda (2011) : minuit est l'heure de l'idiot quand la bêtise s'est couchée. Minuit est l'heure de l'ange qui apparaît en indiquant à ses témoins la possibilité imperceptible de suspendre les ivresses addictives d'une volonté saturée.

    Saad - Le 14 mai 2021 à 14:14